Un peu plus de deux ans après le lancement du Fonds National de la Finance Inclusive, Madame le Ministre du Développement à la Base, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des Jeunes fait un point des activités et de l’impact du FNFI sur le terrain. Je vous propose en exclusivité son interview dans laquelle elle revient notamment sur les perspectives en vue d’un renforcement du développement à la Base dans notre pays.
1- Pourquoi le Gouvernement a créé le Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) ?
Le FNFI est la réponse du Gouvernement, sur les instructions du Chef de l’Etat, à l’exclusion financière qui touche une partie importante de la population togolaise et notamment les plus pauvres. Comme vous le savez, moins de 30% de la population togolaise avait accès aux services financiers de base. Il s’agissait donc pour les pouvoirs publics de faire tomber la barrière invisible qui empêche certains de nos compatriotes d’accéder aux crédits pour lancer ou relancer leurs activités génératrices de revenus.
Pour cela, le Gouvernement a mis en place ce fonds qui met des lignes de crédits à taux réduits à disposition des institutions de microfinance afin de leur permettre de les prêter aux plus pauvres. Grâce à ce partenariat technique et la mise en place de produits dédiés à chaque catégorie, l’objectif d’inclusion financière est plus que jamais atteignable. Ce qui est sûr, c’est que tous les instruments techniques sont en place.
Au-delà des chiffres de la BCEAO qui montrent une nette amélioration de l’accès aux services financiers dans notre pays, nous nous référons aux nombreux témoignages et histoires de réussites en matière d’autonomisation économique pour dire que nous sommes en train de gagner, ensemble avec les populations et les institutions de microfinance, la bataille de l’amélioration des conditions de vie.
2- Quel est l’impact du FNFI sur le développement à la base et sur la réduction de la pauvreté ?
Nous comptabilisons un peu plus de deux ans d’exécution seulement mais nous pouvons d’ores et déjà illustrer l’impact du FNFI par quelques exemples simples :
Le produit phare du FNFI : APSEF, Accès des Pauvres aux Services Financiers (Produit de 30.000 F pour le premier cycle, 40.000 F pour le second et 50.000 F pour les deux derniers cycles) a apporté une vraie évolution socio-économique dans la vie d’un demi-million de togolais dont 90% sont des femmes. Ces femmes exercent des activités génératrices de revenus à une petite échelle mais qui leur permettent d’avoir le minimum vital et de prendre en charge les soins de santé primaire, l’alimentation et les frais scolaires de leurs enfants. Les fédérations préfectorales de développement à la base ont joué un rôle très déterminant dans la promotion de ce produit, et je tiens à les en remercier.
Le Produit AGRISEF, Accès des Agriculteurs aux Services Financiers (Produit de 100.000 FCFA par cycle) a, en un peu plus d’un an de mise en œuvre, permis à plus de 132.000 agriculteurs (50 % femmes et 50 % hommes) d’acquérir des intrants agricoles, engrais, semences, de la main d’œuvre pour améliorer la pratique de l’agriculture et ainsi améliorer leur productivité et production. Les paysans sont très demandeurs de ce produit et il faut saluer la bonne synergie entre le Ministère du Développement à la Base, le Ministère de l’Agriculture et tous les services techniques d’appui pour la bonne mise en place de ce produit sur le terrain par les Institutions de Microfinance.
Quand on sait que 70 % de togolais vivent en milieu rural, il est évident que le produit AGRISEF va être une puissante locomotive pour amoindrir la pauvreté dans nos villages et cantons, et donc à l’échelle nationale.
Le Produit AJSEF, Accès des Jeunes aux Services Financiers, Produit pouvant aller jusqu’à 300.000 FCFA est un crédit spécialement conçu pour les jeunes, qui, malgré quelques difficultés de démarrage, est aujourd’hui une réussite. Nous avons travaillé avec les Chambres de Métiers des différentes régions, les associations de jeunes, les différents prestataires de services techniques et financiers pour concevoir et mettre en œuvre un produit qui répond aux attentes des jeunes.
A ce jour, AJSEF a permis de toucher plus de 12 000 jeunes sur l’ensemble du territoire et le nombre de bénéficiaires va continuer d’augmenter.
Ainsi avec ces trois produits, le FNFI compte près de 700 000 bénéficiaires sur toute l’étendue du territoire. Ceci en trente (30) mois d’exécution !
Nous avons réussi l’enjeu de l’opérationnalisation et maintenant nous devons gagner le pari de la pérennisation des effets dans la vie des populations. Comme vous le savez, l’inclusion financière et sociale est le socle de la cohésion sociale, gage d’une société harmonieuse et tournée vers le développement.
Il faut ici saluer le rôle important joué par la Fédération des Bénéficiaires des Services Financiers du FNFI (FEBESEF) pour sa contribution dans l’identification des groupes bénéficiaires des services financiers, dans le suivi des crédits, et dans les remboursements.
Egalement, je voudrai féliciter les bénéficiaires, nos parents, frères et sœurs pour leur fiabilité dans le remboursement. Ainsi, plus de 90% des crédits accordés par les partenaires du FNFI sont remboursés. Si je prends la région des Savanes, par exemple, (qui concentre les zones d’extrême pauvreté) les taux de remboursement avoisinent les 100%.
Enfin, d’un point de vue territorial, les actions du FNFI ont permis à ce jour de toucher au moins 85 % des villages et une stratégie est actuellement en cours d’élaboration pour que 100 % des villages du Togo soient touchés.
3- Quelles sont les perspectives en vue de l’amélioration des performances obtenues et le renforcement du développement à la base ?
Le Togo a pris un leadership important dans la réalisation des Objectifs de développement durable. Notre objectif en tant que Gouvernement est de ne laisser personne sur le côté dans notre quête pour le développement et pour cela le FNFI a vocation à être encore plus performant et plus inclusif.
Ainsi, en plus des produits traditionnels du FNFI (APSEF, AGRISEF et AJSEF), d’autres produits sont en cours de développement, notamment le produit “refinancement pour les Institutions de Microfinance” et un autre produit créé avec l’appui de la BAD. Ce dernier vise les femmes portefaix, les femmes handicapées, les femmes veuves, les femmes vivant avec le VIH et les femmes soignées de fistules obstétricales.
Mais la grande innovation, c’est le lancement fin avril dernier de l’assurance du FNFI. Le Chef de l’Etat a souhaité que nos bénéficiaires qui peuvent être victimes d’accidents de la vie soient protégés contre ceux-ci et ainsi ne pas être doublement pénalisés. L’assurance FNFI comporte trois volets: santé ; incendie ; décès et représente un nouveau challenge auquel nous porterons une attention particulière au cours des prochains mois.
Le FNFI va mettre davantage l’accent sur la qualité de ses opérations. C’est dans ce cadre qu’il sera organisé avant la fin de l’année en cours une revue à mi-parcours pour revisiter le schéma directeur du FNFI et pour discuter des mécanismes à mettre en place afin d’améliorer la qualité de nos services. Nous comptons aussi renforcer la communication autour des remboursements et mettre l’accent sur les localités jusqu’ici non encore touchées par le FNFI.
Face au volume sans cesse croissant des opérations et aux besoins et attentes des populations ciblées, en partenariat avec le ministère en charge des finances, nous mettrons l’accent sur la mobilisation des ressources. J’aimerais saisir l’occasion pour saluer le rôle particulièrement important des Partenaires Techniques et Financiers qui ont adhéré spontanément à la démarche FNFI. Que ce soit la BOAD, le PNUD, l’UNCDF, la BAD, la BCEAO, tous ces partenaires par des conseils, des contributions techniques, des appuis financiers, accompagnent l’Etat dans son objectif de réduction de la pauvreté. A ce jour, à titre d’exemple, les financements accordés par la BOAD au FNFI sont de l’ordre de 10 milliards de FCFA. Des discussions sont très avancées avec la Banque Islamique de Développement, le Fonds Koweïtien et d’autres partenaires pour une mobilisation accrue des ressources.
Interview de Madame Victoire DOGBE